Comment la danse est-elle perçue dans nos sociétés ? Cette question aiguillonne la nouvelle pièce de Vidal Bini, troisième volet d’une trilogie spectaculaire consacrée à l’histoire, la mémoire et l’identité. Des rituels à la transe, de la rencontre au plaisir des danses multiples, les gestes côtoient les mots, le temps d’un moment festif et partagé.

Point d’ancrage historique, un événement datant de 1518 demeuré mystérieux à ce jour, la chorémanie, autrement appelée « les danseurs fous de Strasbourg ». Intrigué par cette manie dansante inexpliquée qui emporte les corps des jours durant et parfois jusqu’à la mort, qui échappe au politique et à l’église, et qui tout aussi soudainement disparait, Vidal Bini revient sur les traces de cette fièvre dansante. L’occasion pour le chorégraphe et ses complices artistiques – danseurs professionnels et amateurs, musiciens, illustrateur et scénographes – d’interroger la danse, de ce qu’elle est en soi à la place qu’elle occupe dans nos sociétés, de ses représentations dans le temps à ce qu’elle manifeste dans ses pratiques. Narr : pour entrer dans la nuit est fait de ces mondes étrangement poétiques où la transformation des codes et des corps se joue des repères du temps comme de nos certitudes. Du processus mis en œuvre par Vidal Bini au dispositif qui accueille artistes et public, surgit une autre énigme où reflets et décalages, «entre l’action (la danse) et le contexte (la société)», mènent le jeu. Regard, écoute, élan ou retenue, dans les espaces changeants aux effets inattendus de cette nouvelle création, les échanges se font festifs et invitent au débat.