Comment créer quand la violence est un paysage quotidien ? Au Brésil, depuis la favela de Mare où travaille sa compagnie, Lia Rodrigues s’y emploie. En témoigne, Fúria, pièce en alerte traversée par la lumineuse énergie des corps en bascule entre terreur et beauté, danger et solidarité.
Sur scène neuf danseurs en vêtements colorés. Tout d’abord timide et silencieux, ce cortège étrange et bigarré qui semble composé des exclus de la société – les pauvres, les noirs, les homosexuels et les transgenres… prend place et droit de cité sur le plateau. A l’écart des habituels points de vue qui visent à minorer ou marginaliser les différences, voire à les nier au nom de l’universalisme pour assurer le vivre-ensemble, la chorégraphe brésilienne cherche plutôt à « les aggraver, les intensifier afin d’ouvrir de nouvelles perspectives et façons de penser ». Il s’agit pour elle d’orchestrer « une mise en mouvement qui leur permet d’entrer dans le monde de l’autre ». Un torrent de sensations charrie les corps de Fúria. Organique, sensuelle, la danse de la chorégraphe, autrefois interprète de Maguy Marin, est depuis ses débuts portée par cet engagement.
Tout comme l’énergie de son œuvre tend à révéler la force des communautés et la beauté des individus qui les composent, Fúria frappe l’imaginaire autant que la conscience, en alliant le saisissement politique au dépassement poétique. « De cette rencontre physique, charnelle, naît une performance brute et sans détours, un rituel puissant qui provoque aussi la rencontre entre la communauté des danseurs et celle des spectateurs. »